J’étais assise dans le train du RER, lorsque, pour passer le temps, j’ai mis mon attention sur ma respiration. Elle est devenue plus lourde, plus lente et plus consciente. Rapidement, j’ai remarqué la présence d’une tristesse qui datait d’il y a plus de dix ans, que ce trajet familier dans les transports en commun venait réveiller.
De retour à la maison, j’ai laissé l’émotion resurgir sans retenue. Elle m’a ramenée dans le passé, à l’année où j’avais été arrachée de tout ce que je connaissais pour atterrir dans un nouveau collège. Des souvenirs précis et une profonde solitude me sont revenus. Je me suis revue pleurer sur les marches de l’escalier, réalisant que je n’avais pas d’amis. Déjeuner seule à ma table dans le brouhaha de la cantine. Rester seule dans la salle de classe, pendant que les autres chahutaient dans la cour. Être assise dans le wagon du RER après une journée difficile, essayant tant bien que mal de retenir mes larmes.
« Je suis si seule, je ne comprends pas, je ne comprends pas… » Une main posée sur mon cœur, j’ai laissé la douleur s’exprimer dans mon corps. Au bout de quelques minutes, un sentiment de renaissance a pris place à l’intérieur de moi.
Dans mon écran mental, des images ressorties par ma mémoire ont défilé. J’ai vu mes camarades revenir dans la classe. La salle abandonnée s’est regorgée de vie et de lumière. Certains se sont approchés de moi et m’ont adressé la parole avant de regagner leur place. Je me suis rappelée cette fille qui était venue me voir alors que je pleurais sur l’escalier. Tout d’un coup, j’ai ressenti dans ma poitrine l’amour de toutes ces personnes qui avaient fait l’effort de créer le contact. J’ai senti leur bonne intention, l’ouverture de leur cœur, j’ai senti leur volonté. Puis l’image de mes premières amies m’est venue à l’esprit. J’étais protégée et acceptée avec ma timidité. On prenait soin de moi.
En me reconnectant à la réalité plus vaste de mon passé, plus vaste que ce que ma croyance en ma solitude voulait me faire croire, j’ai senti mon cœur s’ouvrir. J’ai perçu ma part de responsabilité dans mon isolement et les petits gestes des uns et des autres qui en disaient beaucoup. Libéré du filtre de la souffrance, le scénario du passé redevient coloré et plein de nuance. Ce n’est plus une réalité en noir et blanc.
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